Finistère : un collectif d'anciens élèves dénonce des violences physiques de la part des enseignants d'un collège privé

Une soixantaine d'anciens élèves appellent à témoigner et préparent un signalement au procureur.

Article rédigé par franceinfo
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Joël accuse ses anciens professeurs de violences physiques lorsqu'il était scolarisé entre 1969 et 1972 au collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon (Finistère). (SIMON CHENEAU / ICI BREIZH IZEL / RADIO FRANCE)
Joël accuse ses anciens professeurs de violences physiques lorsqu'il était scolarisé entre 1969 et 1972 au collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon (Finistère). (SIMON CHENEAU / ICI BREIZH IZEL / RADIO FRANCE)

Un collectif d'anciens élèves dénonce des violences physiques de la part des enseignants du collège privé Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon (Finistère) dans les années 1960-1970, a appris "ici Breizh Izel", qui a recueilli des témoignages.

"Raclée sur raclée"

Une soixantaine d'anciens élèves appellent à témoigner et, même si les faits sont prescrits, préparent un signalement au procureur. Parmi eux, Joël, âgé aujourd'hui de 67 ans, accuse ses anciens professeurs de violences physiques lorsqu'il était scolarisé entre 1969 et 1972. "C'était raclée sur raclée", dénonce-t-il. Il se rappelle jusqu'au moindre détail des dates, des lieux, des couloirs et de l'orthographe du nom des professeurs qu'il accuse de violences physiques.

Il assure avoir subi des "coups de poing dans l'épaule, [des] claques monumentales, parfois plusieurs fois par jour". Le directeur et les professeurs "évitaient de frapper à coups de pied dans le visage, sinon on rentrait avec les lèvres éclatées ou des dents en moins. Mais il y a eu des tympans crevés comme à Bétharram", se souvient cet ancien électrotechnicien chez Naval Group.

Dans la poche de son pantalon, son téléphone n'arrête pas de vibrer. "Notre groupe WhatsApp, c'est un fleuve de notifications", décrit le Brestois à "ici Breizh Izel". Dans ce groupe privé, 63 anciens élèves de l'établissement catholique se remémorent les moments "terribles" de leurs années collèges, "il y a ceux qui sont plutôt du matin, d'autres qui se livrent le soir", poursuit Joël, les yeux rivés sur son portable, "nos témoignages sont identiques."

Une pédagogie reposant "sur la violence et les coups"

C'est l'affaire Notre-Dame-de-Bétharram qui les a incités à témoigner. "Je leur ai dit : 'Tenez bon, ne lâchez rien, je vous soutiens'", témoigne Joël. Et j'ai conclu mon message comme cela : "J'ai moi-même vécu des moments horribles dans une école du Nord-Finistère, au Relecq-Kerhuon", sans donner le nom du lieu. Quelque temps plus tard, Joël reçoit un message de Frédéric, qui a reconnu l'établissement en question. Frédéric a été scolarisé lui aussi au collège Saint-Pierre du Relecq-Kerhuon, trois ans après Joël. L'ancien commercial à la retraite parle d'enseignants "psychopathes" dont "la pédagogie repose sur la violence et les coups".

Parfois, "un enseignant entre dans la classe, se saisit d'un élève, le traîne dans un couloir, on ne sait pas trop pourquoi, sûrement une mauvaise note. Il lui met une volée. Le professeur le ramène dans la classe, pendant ce temps l'autre enseignant a continué son cours imperturbablement" dans des classes "surchargées, jusqu'à 50 élèves par classe et les cours sont émaillés de hurlements des professeurs", décrit Frédéric, 64 ans, désormais installé dans le Loiret.

Joël souhaite que le diocèse les soutienne et que l'Éducation nationale reconnaisse "qu'elle n'intervenait jamais et qu'elle était absente de nos affaires". Le directeur diocésain de l'Enseignement catholique du Finistère, Christophe Geffard, "condamne toute forme de violence qui a pu avoir lieu à l'époque. J'ai été surpris par des témoignages dont j'ignorais l'importance et la violence", confie-t-il à "ici Breizh Izel". Il "souhaite qu'un dialogue entre les victimes et la commission sur les violences sur mineurs puisse avoir lieu, pour savoir quelles suites il y a à donner."

Une école rebaptisée

Aujourd'hui, le collège du Relecq-Kerhuon s'appelle Saint-Jean de la Croix et l'ancien bâtiment a disparu. La directrice de l'établissement Christine Guggenbuhl, n'a pas souhaité répondre à "ici Breizh Izel", mais explique dans un communiqué de presse datant du 26 février que "ces réalités [...] que nous condamnons [...] appartiennent à un passé extrêmement éloigné de nos valeurs d’aujourd’hui. Aujourd'hui le collège Saint-Jean est un établissement moderne, ancré dans son territoire, qui accompagne ses élèves avec exigence et bienveillance."

Un ex-professeur à la retraite mis en cause par les témoignages a également refusé de répondre au micro mais explique de manière anonyme que ces accusations, c'est une "ogive d'obus dans sa vie", "une entreprise vengeresse" de ses anciens élèves. "C'était un autre temps", affirme-t-il à "ici Breizh Izel". Il ne nie toutefois pas en bloc, mais ne confirme pas non plus les violences. Pour préparer le signalement au procureur, le collectif des anciens élèves du collège Saint-Pierre, qui se surnomment entre eux "les bagnards", a lancé il y a une semaine un appel à témoignages à l'adresse mail suivante : collectifsaintpierrekerhuon@yahoo.com.

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