Aide à mourir : qu'est-ce que le délit d'entrave, prévu dans la proposition de loi adoptée par les députés ?
Passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende, il sanctionne "le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur l'aide à mourir".
/2023/07/05/64a55fd777de4_placeholder-36b69ec8.png)
/2025/05/28/080-hl-xbouzas-2776101-68370fd15d8a6525975388.jpg)
C'est l'un des points les plus sensibles dans les débats sur la fin de vie. La proposition de loi sur l'aide à mourir, adoptée en première lecture à l'Assemblée, mardi 27 mai, introduit un délit d'entrave. Passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende, il vise à sanctionner "le fait d'empêcher ou de tenter d'empêcher de pratiquer ou de s'informer sur l'aide à mourir". Cette disposition inquiète une partie des soignants et des députés qui ont voté contre le texte porté par le député MoDem Olivier Falorni.
Dans le détail, l'article 17 de la proposition de loi prévoit que ce délit peut être caractérisé par le fait d'empêcher "l'accès aux établissements où est pratiquée l'aide à mourir ou à tout lieu où elle peut régulièrement être pratiquée", d'entraver "la libre circulation des personnes à l'intérieur de ces lieux ou les conditions de travail des personnels médicaux et non médicaux" ou de perturber "le lieu choisi par une personne pour l'administration de la substance létale".
Une mesure déjà appliquée dans le cadre du droit à l'avortement
Il peut également s'agir "de pressions" exercées sur les patients, leur entourage et les soignants, ou de tenter d'"induire intentionnellement en erreur, dans un but dissuasif". "Il ne sera jamais interdit de convaincre quelqu'un de renoncer au droit à l'aide à mourir, mais il sera interdit d'exercer des pressions morales, psychologiques, des menaces et d'entraver l'exercice de ce droit", a insisté mardi Olivier Falorni sur France Inter.
Le député centriste fait valoir que ce délit d'entrave "existe dans la loi depuis des décennies" concernant le droit à l'avortement. La formulation de la proposition de la loi reprend d'ailleurs les termes inscrits dans le Code de la santé publique en matière d'interruption volontaire de grossesse.
"Jusqu'où ira ce délit d'entrave dans l'interprétation ?", s'est cependant inquiété Thibault Bazin, député Les Républicains, lors des débats à l'Assemblée. "Non seulement on autorise à donner la mort, dans des conditions encadrées, mais on va condamner ceux qui veulent que la vie subsiste", a pour sa part fustigé mercredi sur France Inter Eric Ciotti, chef de file des députés UDR, allié du Rassemblement national.
Pas de délit d'entrave pour les propos tenus "dans un cercle familial"
La ministre de la Santé, des Solidarités et des Familles, Catherine Vautrin, a tenté de rassurer la classe politique. "Ce que l'on est conduit à dire (…) dans un cercle amical, familial, est évidemment une approche personnelle qui n'est pas constitutive d'un délit d'entrave", a-t-elle martelé face aux députés, invoquant une décision du Conseil constitutionnel de 2017 sur le cadre du délit d'entrave à l'avortement.
"Le fait de proposer des soins palliatifs, des alternatives ou d'autres perspectives, de faire part d'un doute, d'ouvrir un dialogue ou même de retarder une décision jugée prématurée ne peut pas être regardé comme une pression, une menace ou une intimidation."
Catherine Vautrin, ministre de la Santélors des débats à l'Assemblée nationale
Mais la mesure suscite des interrogations jusqu'au sein du gouvernement. Le Premier ministre a jugé "ambigu" ce délit, car "ce n'est pas une entrave que d'essayer de persuader quelqu'un de vivre". Mais, "j'ai confiance dans la démarche parlementaire pour que toutes les interrogations soient levées", a ajouté François Bayrou mardi sur BFMTV. La proposition de loi est encore loin d'être entérinée. Elle poursuivra son chemin législatif au Sénat, peut-être dès cet automne, avant de revenir à l'Assemblée pour une deuxième, voire une troisième lecture.
Le ministre chargé de la Santé et de l'Accès aux soins, Yannick Neuder, a de son côté déclaré mercredi sur franceinfo qu'il n'était "pas certain" qu'il aurait voté la création d'une aide à mourir s'il était encore député LR et a plaidé pour "continuer à travailler" au Sénat pour renforcer les "garde-fous". "Attention au délit d'entrave, qui peut aussi éloigner des soignants s'ils se sentent en danger juridique", a prévenu ce cardiologue de profession.
"On pourra nous menacer d'aller en prison"
"Notre travail à nous, soignants, c'est de soutenir le désir de vie. Parfois, c'est un brasier, une flamme fragile", a défendu mardi Claire Fourcade, présidente de la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs, sur France Inter. "Ce qu'on nous propose, c'est de souffler sur cette flamme, mais d'être puni pour ça", s'alarme la médecin, opposée à cette aide à mourir.
"Il est curieux de vouloir sanctionner lourdement quelqu'un qui propose une autre solution que la mort", s'émeut Sophie Moulias, présidente du comité d'éthique de la Société française de gériatrie, auprès du Parisien. "On pourra nous menacer d'aller en prison parce qu'on a tendu la main plutôt que la corde", tempête-t-elle.
Philippe Lohéac, délégué général de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, balaye ces craintes : "Il n'y a pas de raison que ce délit soit controversé". "Informer un patient, cela n'a rien à voir avec le fait d'exercer des menaces", juge-t-il auprès du quotidien francilien. La proposition de loi prévoit également que tout médecin ou infirmier puisse faire valoir une "clause de conscience" lui permettant de refuser de pratiquer l'aide à mourir. Ils devront alors communiquer à la personne le nom de professionnels disposés à le faire.
À regarder
-
Explosion : 11 000 foyers privés de gaz dans les Bouches-du-Rhône
-
Chevaux mutilés : deux ans de prison ferme pour l'agresseur
-
A Dublin, les drones livreurs envahissent le ciel
-
Sauvetage d'un pêcheur : une nuit accroché à un poteau
-
Que valent les astuces de grand-mère ?
-
Braquage : 25 malfaiteurs à l'assaut d'une bijouterie
-
B. Netanyahou : sa déclaration choc à l'ONU
-
Guerre Israël-Hamas : "Ces deux peuples ne pourront plus jamais vivre ensemble !"
-
Pourquoi on doit garder du cash chez soi ?
-
Ingérences russes en Moldavie
-
À 12 ans, il porte plainte contre Roblox
-
Survol de drones : l'inquiétude grandit au Danemark
-
Gaza : la route de l'exode
-
Pourquoi ce bébé girafe est une bonne nouvelle
-
Marie-Céline Bernard, pionnière du rugby féminin en France
-
Une centaine d'agriculteurs manifestent devant le château de Versailles
-
"Faites des parents" : une campagne pour le don de gamètes
-
Cette alerte a sauvé une ado
-
Un Polonais devient le premier alpiniste à descendre l'Everest à ski sans oxygène
-
L'Oktoberfest à Munich comme si vous y étiez
-
Condamnation de Nicolas Sarkozy : "C'est le pays tout entier qui va être éclaboussé !"
-
Opérations ratées : un ophtalmo visé par plusieurs plaintes
-
Ingérence russe : les élections moldaves sous surveillance
-
Pourquoi faut-il avoir de l'argent liquide chez soi ?
-
Etat palestinien : Benyamin Nétanyahou prépare sa riposte à l'ONU
-
Nicolas Sarkozy : comment va-t-il purger sa peine ?
-
Décès au KFC : un corps découvert aux toilettes au bout de 30h
-
N. Sarkozy condamné : l'ancien président ira en prison
-
Braquage impressionnant dans une bijouterie en Californie
-
L’ancien président Nicolas Sarkozy ira en prison
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter