#OnVousRépond : aide à mourir, soins palliatifs, sédation profonde... Les réponses à vos questions sur le vote des députés à l'Assemblée nationale

Article rédigé par Yann Thompson
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 12min
Une femme prend la parole lors d'une réunion publique sur la fin de vie organisée par les députés LFI Hadrien Clouet et Sylvie Ferrer, le 18 avril 2025 à Tarbes (Hautes-Pyrénées). (SOPHIE BELLARD-PICAVET / HANS LUCAS / AFP)
Une femme prend la parole lors d'une réunion publique sur la fin de vie organisée par les députés LFI Hadrien Clouet et Sylvie Ferrer, le 18 avril 2025 à Tarbes (Hautes-Pyrénées). (SOPHIE BELLARD-PICAVET / HANS LUCAS / AFP)

Après deux semaines de débats dans l'hémicycle, les élus ont adopté mardi les deux propositions de loi sur la fin de vie : la première sur les soins palliatifs et la deuxième sur l'aide à mourir. Franceinfo vous éclaire sur les enjeux de ces textes.

Le "modèle français de la fin de vie" se dessine un peu plus. Deux propositions de loi sur les soins palliatifs et l'aide à mourir ont été largement adoptées en première lecture, mardi 27 mai, à l'Assemblée nationale. Le débat sur la fin de vie avait été relancé par Emmanuel Macron dès 2022, avec la mise en place d'une convention citoyenne sur le sujet, avant que la délibération collective se prolonge au Parlement.

Après l'approbation des textes, il appartient au Sénat de poursuivre les travaux à l'automne, en vue d'une possible adoption définitive d'ici à 2027. Pour vous aider à comprendre les enjeux de ce débat de société, franceinfo a répondu en direct à vos questions à la mi-journée dans le live.

Sur la procédure d'aide à mourir

@MissR48 : Bonjour franceinfo, je me questionne quant à la substance létale buvable qu'il est prévu d'utiliser dans le droit à l'aide à mourir. Savez-vous ce qui serait utilisé ? Merci et bonne journée à l'équipe !

Il appartiendra à la Haute autorité de santé, si le texte est définitivement adopté, de définir la composition des différentes substances létales susceptibles d'être utilisées. On peut imaginer des préparations buvables que le patient pourrait ingérer, mais également des produits injectables, notamment pour les malades qui ne seraient pas physiquement en mesure de procéder à l'administration de la substance et qui auraient besoin de l'intervention d'un médecin ou d'un infirmier.

@Jean-Paul18 : Bonjour. (...) On peut choisir de mourir dans un parc à l'abri des regards, en montagne, au bord de la mer ? Cela ressemblerait à un vieux film, Soleil vert. Et le droit des médecins et des infirmières à la clause de conscience est-il toujours dans la loi ?

Si la proposition de loi est définitivement adoptée (ce qui n'interviendra peut-être pas avant 2027), l'aide à mourir pourra "être effectuée, à la demande de la personne, en dehors de son domicile, à l'exception des voies et espaces publics", selon la rédaction actuelle du texte. Donc pas de piqûre ultime possible à la plage ou dans une cabane dans les bois, mais plutôt à l'hôpital, en Ehpad ou dans une chambre d'hôtel.

Quant à la clause de conscience, les professionnels de santé (médecins, infirmiers...) sollicités pour participer de près ou de loin à une procédure d'aide à mourir pourront effectivement la faire valoir s'ils ne souhaitent pas être impliqués. Dans ce cas, ils devront en avertir le patient et l'orienter sans délai vers un confrère ou une consœur volontaire. En revanche, les pharmaciens ne pourront pas refuser de délivrer la substance létale qui aura été prescrite.

@Kem : Quinze jours pour répondre à une personne [qui aura demandé une aide à mourir], n'est-ce pas long ? (...)

Une fois saisi d'une demande d'aide à mourir, le médecin disposera de quinze jours pour réunir un collège pluriprofessionnel afin d'examiner le dossier et apporter une réponse au patient. Ce délai de deux semaines est issu d'un compromis entre la volonté de ne pas faire attendre trop longtemps le patient en souffrances et l'impératif de mener à bien la procédure collégiale (et vous savez qu'il peut falloir un peu de temps par exemple pour trouver un spécialiste disponible, même pour une telle décision).

@Malautru : Quelles conséquences pour les assurances décès ?

Contrairement au suicide, qui peut empêcher le versement d'un capital décès, l'aide à mourir ne fera pas partie des exclusions de garantie. La proposition de loi prévoit explicitement que l'assurance "doit couvrir le décès en cas de mise en œuvre de l'aide à mourir". Ainsi, si l'assuré a recours à ce dispositif, ses bénéficiaires toucheront bien les sommes épargnées.

Sur les critères d'accès à l'aide à mourir

@Kase Keedee : Franchement, qui a inventé cette notion floue et incontrôlable : "Etre victime de souffrances physiques ou psychologies constantes et insupportables" ?

Vous faites ici allusion à l'un des cinq critères que devra remplir un malade pour bénéficier d'une aide à mourir. La formulation exacte qui figure dans le texte est la suivante (accrochez-vous) : "présenter une souffrance physique ou psychologique constante liée à cette affection, qui est soit réfractaire aux traitements, soit insupportable selon la personne lorsque celle-ci a choisi de ne pas recevoir ou d'arrêter de recevoir un traitement". L'idée est de restreindre l'aide à mourir aux patients qu'on ne parvient pas à soulager ou qui veulent éviter une fin de vie trop médicalisée.

Mais les opposants au texte jugent certains critères, dont celui-ci, trop subjectifs, sans "base scientifique solide". Ces conditions "ouvrent un espace d'interprétation extrêmement vaste qui pourrait donner lieu à d'innombrables contentieux avec les patients", s'inquiète ainsi le collectif de soignants Soins de vie.

@QuentinG : Bonjour Yann ! Sait-on à ce stade si la loi prévoit d'encadrer des fins de vie en cas de maladie mentale (comme une dépression résistante aux traitements), si la personne peut montrer qu'elle est consciente de sa décision ?

Une personne atteinte de dépression mais capable de manifester son discernement ne pourrait formuler une demande à mourir que si son pronostic vital est par ailleurs engagé par une affection grave et incurable en phase avancée ou terminale qui lui occasionne des souffrances insupportables. Autrement dit, la dépression ne serait pas un motif d'exclusion, mais ce ne serait pas non plus une condition suffisante pour s'inscrire dans une telle procédure.

@Domlo : Bonjour, et les personnes en situations végétatives qui ne peuvent s'exprimer ?

L'aide à mourir ne pourrait pas s'appliquer à des patients qui ne seraient pas en capacité de manifester leur volonté libre et éclairée, même si ceux-ci en ont exprimé la demande dans leurs directives anticipées. Il s'agit là d'une ligne rouge fixée par l'exécutif depuis le début des discussions, malgré des demandes répétées d'une partie de la gauche de permettre de prévoir la possibilité de déposer une demande anticipée d'aide à mourir. Autrement dit, un patient comme Vincent Lambert n'aurait pas été éligible à ce dispositif.

Sur le cadre légal actuel et la sédation profonde

@ycroireencore : Quelle est la place de la sédation profonde dans le processus de fin de vie, ses limites et effets indésirables ?

Vaste question... La sédation profonde et continue, qui vise à plonger un malade en toute fin de vie dans une sorte de coma pour l'aider à mourir sans souffrir, reste une pratique relativement peu répandue. Elle a été inscrite dans la loi en 2016, mais peu de médecins (à l'exception des spécialistes des soins palliatifs et de la réanimation) y sont formés, si bien qu'elle est parfois mal pratiquée. Une sédation profonde peut durer plusieurs jours, avec un corps de plus en plus marqué du fait de l'arrêt des traitements, ce qui peut être dur à vivre pour les proches. Si vous souhaitez en savoir plus, je vous renvoie vers cet article publié en 2023.

@stella73 : Bonjour. Mon papa est resté deux mois sans être alimenté, avec juste une simple hydratation, le corps médical ayant décidé de le placer en protocole de fin de vie en stoppant l'alimentation et les traitements inhérents à la maladie. Un médecin a refusé la sédation, prétextant d'avoir peur de terminer ses jours en prison. Je rappelle que la sédation était légale dans ce cas par la loi Claeys. Comment se fait-il que cette loi ne soit toujours pas appliquée dans ce pays, et surtout que les médecins ne soient pas réprimandés pour refus ? Une nouvelle loi fera-t-elle avancer les choses ? Sera-t-elle appliquée et reconnue ? (...)

L'un des enjeux de la proposition de loi sur les soins palliatifs est précisément d'améliorer la prise en charge des patients en fin de vie. Cela passe par un effort de formation des professionnels de santé, aussi bien en créant une véritable spécialité universitaire en soins palliatifs, mais surtout en sensibilisant tous les acteurs de terrain (notamment à domicile, en Ehpad...) aux pratiques et à la culture palliatives. Ce chantier a connu un coup d'accélérateur depuis l'année dernière avec le lancement d'une stratégie 2024-2034 de développement des soins palliatifs.

@Mauriac : Idem pour ma mère !! Dix-huit jours pendant lesquels je l'ai vue dépérir sous mes yeux !! C'était insoutenable alors qu'une seule piqure aurait abrégé cette catastrophe humaine ! Alors oui à l'euthanasie ou autre mot qui vous conviendra pour être politiquement correct !!

Merci pour votre témoignage, qui pose aussi la question de l'accompagnement de l'entourage. Sachez que la proposition de loi sur l'accompagnement et les soins palliatifs prévoit un soutien accru des proches, en tant qu'aidants mais aussi après le décès, avec la possibilité par exemple de recourir à des bénévoles d'accompagnement au deuil. Le texte sur l'aide à mourir fait également mention d'un possible accompagnement psychologique des proches.

Quant au choix des mots, je rappelle effectivement que ni le terme "euthanasie", ni celui de "suicide assisté" ne figurent dans la proposition de loi défendue par le député MoDem Olivier Falorni. La seule expression retenue est celle d'"aide à mourir", qui pourra à la fois désigner une auto-administration de la substance létale par le patient (ce qu'on appelle souvent suicide assisté) et une injection du produit par un professionnel de santé (euthanasie).

Sur l'aide à mourir à l'étranger

@Mimilamite75 : Trois mois pour recourir à l'aide à mourir après la décision du médecin [selon la procédure envisagée en France], c'est très réducteur ! On devrait y avoir accès quand on se sent prêt, suivant l'évolution de la maladie, qui peut être lente ou rapide suivant les personnes. Est-ce que dans les autres pays il y a ce délai restrictif de mise en œuvre ?

Effectivement, si un malade obtient le feu vert pour une aide à mourir mais n'y recourt pas sous trois mois, un nouvel examen destiné à s'assurer de sa "volonté libre et éclairée" sera requis. Ce délai, initialement fixé à un an, a été raccourci à la demande du gouvernement (l'amendement voté est ici). Je n'ai pas trouvé trace de pays prévoyant une telle clause de revoyure. En Belgique, par exemple, aucun délai n'est fixé. Il y est même possible de déposer une demande anticipée d'aide à mourir en anticipation du jour où l'on ne serait plus conscient.

@Kat" : Bonjour et merci pour tous vos éclairages sur ce texte de loi ! Combien de personnes en moyenne par an font-elles appel à l'aide à mourir en Belgique et en Suisse ? Merci

En Belgique, près de 3 500 euthanasies ont été déclarées en 2023, soit 3% des décès dans le pays. En Suisse, il y a eu près de 1 600 suicides assistés en 2022. Sachez toutefois qu'il s'agit seulement des procédures qui sont allées à leur terme : beaucoup de patients demandent une aide à mourir sans aller jusqu'au bout (par exemple parce que leur prise en charge s'avère finalement suffisante ou, à l'inverse, parce que leur état de santé se dégrade trop vite).

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