De remplaçant à vainqueur en Masters 1000, l'éclosion inattendue de Valentin Vacherot, sacré pour la première fois sur le circuit ATP

Joueur du circuit secondaire, le Monégasque de 26 ans a créé la sensation en Chine dimanche, en soulevant son premier Masters 1000 à Shanghai, synonyme de premier titre ATP.

Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 7min
Le Monégasque Valentin Vacherot a remporté son premier Masters 1000 à Shanghai (Chine), le 12 octobre 2025, face à son cousin, le Français, Arthur Rinderknech. (ANDY WONG / SIPA)
Le Monégasque Valentin Vacherot a remporté son premier Masters 1000 à Shanghai (Chine), le 12 octobre 2025, face à son cousin, le Français, Arthur Rinderknech. (ANDY WONG / SIPA)

"J'espère que c'est le début de quelque chose de grand." Tout juste vainqueur de son premier titre sur le circuit ATP, au Masters 1000 de Shanghai, dimanche 12 octobre, Valentin Vacherot ne réalisait pas encore l'ampleur de son exploit. Le Monégasque de 26 ans, qui n'avait remporté... qu'un seul match en simple - à Monte-Carlo cette année - sur le circuit ATP en carrière avant Shanghai - a frappé un grand coup dans la cour des grands, alors que personne ne l'attendait.

Des statistiques inédites dans l'histoire

Pourtant, le 204e mondial, issu des qualifications, qui pointera à la 40e place lundi, vient aujourd'hui d'inscrire son nom dans l'histoire comme le premier Monégasque vainqueur d'un Masters 1000 dans l'ère Open (débutée en 1968). Il est aussi le premier à remporter un tournoi de cette catégorie, juste en dessous des Grands Chelems, en ayant joué aussi peu de tournois sur le circuit (soit sept entre Monte-Carlo 2023 et Shanghai 2025), d'après les données récoltées par Jeu, Set et Maths.

Et ils ne sont d'ailleurs que trois, depuis 1990, à avoir remporté un Masters 1000 en étant issu des qualifications, après les Espagnols Roberto Carretero (Hambourg 1996) et Albert Portas (Hambourg 2001).

Son parcours et son histoire sont dignes d'un story telling à l'américaine. Actuellement sur le circuit challenger, Valentin Vacherot était même 14e alternate [remplaçant] à Shanghai sur la liste des inscrits, sortie début septembre. Les désistements et les forfaits lui ont permis d'en être.

Il n'en a même jamais douté, comme le raconte à L'Equipe, l'Américain Barnaby Smith, ancien coéquipier d'Arthur Rinderknech et de Valentin Vacherot à l'université A&M au Texas. "Un peu avant l'US Open, j'ai envoyé un message à Val' pour prendre de ses nouvelles après sa blessure à Wimbledon. Il m'a dit : 'Je vais tenter ma chance en qualifs à Shanghai, un parcours de malade peut vite arriver.' Ce n'est pas du tout quelqu'un d'arrogant, mais il a une grande croyance en lui. Il est convaincu qu'il peut battre ces mecs. Dans l'équipe à A&M, on répétait souvent que si notre vie était en jeu sur un septième match décisif d'une rencontre universitaire, on choisirait Val à chaque fois."

"Val, ce qui le rend unique, poursuit-il, et je l'ai toujours dit, c'est la croyance qu'il a en lui-même. C'est un mec qui joue toujours super bien les gros points. Je ne vois pas beaucoup de joueurs qui croient autant en eux. Ce n'est pas une confiance superficielle, ce ne sont pas des mots, c'est une croyance profonde."

Un "parcours de malade"

Ce "parcours de malade" s'est bel et bien produit à Shanghai, comme l'avait senti Vacherot. Sorti des qualifications, il a ensuite expédié le Serbe Laslo Djere (82e) 6-3, 6-4, puis s'est imposé en trois manches sérieuses face à Alexander Bublik (tête de série n°14) 3-6, 6-3, 6-4. Il a profité de l'abandon de Tomas Machac avant de sortir Holger Rune (11e) en trois sets.

En pleine confiance, il s'est même offert en demi-finale son premier top 10 et non des moindres, Novak Djokovic, 4e à l'ATP, en deux sets 6-3, 6-4 pour leur première confrontation. Au filet, en fin de match, le Serbe lui confiera ses louanges : "Il m'a dit que je méritais ma victoire, que c'était fou à quel point physiquement et mentalement j'avais été solide. D'entendre ça de sa bouche... ", a raconté Valentin Vacherot en conférence de presse.

Lors de la cérémonie de remise des trophées, les deux cousins Arthur Rinderknech et Valentin Vacherot n'ont pu retenir leurs larmes, le 12 octobre 2025, à Shanghai (Chine). (ANDY WONG / SIPA)
Lors de la cérémonie de remise des trophées, les deux cousins Arthur Rinderknech et Valentin Vacherot n'ont pu retenir leurs larmes, le 12 octobre 2025, à Shanghai (Chine). (ANDY WONG / SIPA)

"C'est vraiment bluffant, salue Arnaud Clément, ancien top 10 et consultant pour franceinfo: sport. Même s'il y a eu quelques absences [forfait de Carlos Alcaraz et abandon de Jannik Sinner], les autres joueurs étaient là. Les conditions étaient dures, avec la chaleur et l'humidité, mais normalement, les meilleurs joueurs sont meilleurs dans les conditions les plus extrêmes aussi. Il a donc réussi là où peu ont réussi par le passé." Avant d'ajouter : "Dans les conditions extrêmes, Djokovic est encore plus dur à battre, parce qu'il vous fait courir, tient la balle, va retourner. Même si ce n'est pas le Djokovic d'il y a dix ans, il a quand même été en demi-finale de tous les Grands Chelems cette année", tient à rappeler Arnaud Clément, qui souligne la très bonne condition physique de Valentin Vacherot, l'une des clés de sa victoire à Shanghai. 

Ses qualités physiques, il les doit à ses années passées outre-Atlantique. "Quand il est arrivé [à l'université A&M au Texas], c'était un grand maigre, une girafe qui bougeait bizarrement. Il avait un bon service, des bons coups, mais il s'est énormément développé physiquement. Aujourd'hui, c'est une bête physique, une machine !, se souvient son coéquipier américain, Barnaby Smith, dans les colonnes de L'Equipe(...) À partir de la troisième [année], quand il est revenu de vacances en France, il était transformé, hyper concentré tout le temps. Il a commencé à passer énormément de temps en musculation."

"Tous les jours, il arrivait avec une heure d'avance à l'entraînement pour s'étirer, faire des exercices individuels. Il est passé d'un garçon à un homme. En fait, il avait une vision. Ce qu'il a vu à l'époque se produit en ce moment."

Barnaby Smith, son coéquipier américain à l'Université A & M (Texas)

à L'Equipe

Hugo Nys, coéquipier monégasque de Valentin Vacherot en Coupe Davis, confirme cette transformation grâce à ses années américaines. "Il est revenu très professionnel, très combattant, avec un état d'esprit sur le court irréprochable", témoigne-t-il à L'Equipe, lui qui expliquait déjà un an avant, ne lui voir aucune limite.

Un déclic pour franchir un cap

Son enchaînement de victoires en Chine est perçu comme un "déclic", par Arnaud Clément. "Je n'ai pas les réponses au pourquoi, mais quand tu vois jouer un joueur à ce niveau-là, tour après tour, sur un des plus gros tournois du monde, c'est qu'il se passe quelque chose derrière", assure-t-il.

Le principal concerné ne l'explique pas forcément plus. "Peut-être que c'est juste mon moment, le résultat de tout ce que j'ai fait depuis le premier jour où j'ai pris une raquette de tennis. Tout s'est mis en place cette semaine et je vais pouvoir le garder dans un coin de ma tête pour la suite, parce que ma carrière vient seulement de commencer ; ce n'est que ma quatrième saison chez les pros, je suis frais, j'ai juste envie d'y aller, c'est génial", réagissait-il en conférence de presse.

L'un de ses coachs, Steve Denton, lui avait répété que "son tennis se [mettrait] en place entre ses 26 et 28 ans". À 26 ans et ce Masters 1000 en poche, il semble cocher les temps de passage comme prédit. "Tu vas continuer", lui a lancé son frère et coach, Benjamin Balleret, quelques minutes après sa victoire à Shanghai. Valentin Vacherot ne peut qu’y croire, il y a toujours cru.

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