Entretien "Il y a eu le Vendée Globe, mais il y a aussi l'après où tout est fou", s'enthousiasme Violette Dorange, un mois après son retour

Rentrée aux Sables-d'Olonne il y a à peine un mois, Violette Dorange pense déjà à repartir et veut relever un nouveau défi : celui d'être compétitive sur un bateau à foil.

Article rédigé par Apolline Merle
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 11min
Violette Dorange à l'arrivée de la 10e édition du Vendée Globe, dont elle termine à la 25e place, le 9 février 2025, aux Sables-d'Olonne. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)
Violette Dorange à l'arrivée de la 10e édition du Vendée Globe, dont elle termine à la 25e place, le 9 février 2025, aux Sables-d'Olonne. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)

Le 9 février dernier, Violette Dorange bouclait son premier Vendée Globe (à la 25e place) dès sa première participation. À 23 ans, elle est même devenue la plus jeune skippeuse (hommes et femmes confondus) à terminer ce tour du monde à la voile en solitaire, sans assistance et sans escale. Près d'un mois après son arrivée aux Sables-d'Olonne (Vendée), la native de Rochefort (Charente-Martime) est toujours autant sollicitée. Mercredi 5 mars, elle nous a reçus dans le 10e arrondissement de Paris pour revenir sur ces dernières semaines "un peu dingues".

franceinfo: sport : Votre arrivée aux Sables-d'Olonne remonte à trois semaines maintenant. Comment allez-vous ?

Violette Dorange : Depuis mon arrivée, je savoure chaque chose du quotidien, que ce soit la douche, avoir un vrai lit, passer du temps avec mes proches. J'essaie vraiment d'en profiter au maximum. J'ai eu deux semaines de vacances. La première, je ne me suis pas trop arrêtée. J'étais dans les rangements de toutes mes affaires du Vendée Globe, et j'ai continué quelques petites interviews entre-calées avec du repos.

J'ai vraiment coupé la deuxième semaine, où je suis partie en Auvergne pour aller randonner, passer du temps chez moi en famille et j'ai fait du surf à l'île d'Oléron (Charente-Maritime) aussi. Ça m'a fait beaucoup de bien.

Commencez-vous à prendre du recul sur votre aventure et sur ce que vous avez accompli ?

J'ai l'impression que c'est encore un peu tôt. Parfois, je me dis : "J'ai fait le Vendée Globe quand même", mais j'ai l'impression que le cerveau oublie vite et que je reviens d'une transat ou quelque chose comme ça. J'ai encore du mal à réaliser.

C'est un peu fou de se dire que j'ai passé trois mois toute seule en mer. Pourtant, quand j'y étais, je les ai sentis passer ces trois mois (rire) mais maintenant que je l'ai fait, c'est une autre perception.

Votre arrivée aux Sables-d'Olonne a été marquée par la ferveur populaire. Vous attendiez-vous à voir autant de monde ?

Non, je ne pensais pas recevoir un tel accueil. C'était incroyable, et cela a été une vraie réussite pour mes sponsors, pour la fondation Apprentis d'Auteuil parce que cela a permis de mettre le projet en avant. Moi, j'étais juste choquée de tout ce qu'il se passait.

Je suis passée de rien à tout. Pendant trois mois, j'étais sans réseaux sociaux, sans contact.
 Et quand je suis arrivée, j'ai tout de suite enchaîné.

La skippeuse Violette Dorange célèbre sa 25e place du Vendée Globe, lors de son arrivée aux Sables-d'Olonne (Vendée), le 9 février 2025. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)
La skippeuse Violette Dorange célèbre sa 25e place du Vendée Globe, lors de son arrivée aux Sables-d'Olonne (Vendée), le 9 février 2025. (SEBASTIEN SALOM-GOMIS / AFP)


Vous êtes passée d'une inconnue avant le départ à une personnalité publique après le Vendée Globe. Comment avez-vous vécu ce tourbillon médiatique, qui a débuté dès que vous avez posez le pied aux Sables-d'Olonne ?

Dès l'arrivée, alors que j'étais encore en salopette, j'ai fait 4-5 interviews et la conférence de presse. Et puis deux jours après l'arrivée, j'étais à Paris sur des plateaux de télévisions comme je n'en ai jamais vu.

Ce jour-là [le mardi, elle est arrivée le dimanche 9 février], j'ai fait treize interviews, c'était vraiment beaucoup, beaucoup d'un coup. Mais comme je ressentais toujours l'adrénaline de l'arrivée, j'étais encore en mode course. J'avais vraiment toute l'énergie, et ça s'est bien passé. Mais je pense que j'ai besoin maintenant de me poser un peu.

Etait-ce compliqué à gérer ?

Ce n’était pas difficile mais fatigant forcément. Il y avait par exemple des plateaux de télévisions où je rêvais d'aller et où j'ai eu la chance d'y aller. J'étais émerveillée de voir les coulisses, de rencontrer des nouvelles personnes. C'est quelque chose dont je me souviendrai toute ma vie. Il y a eu le Vendée Globe, mais il y a aussi l'après Vendée Globe où tout est fou. 

Le rythme est un petit peu fatigant, mais je le vis très bien parce que j'ai une équipe autour de moi qui organise les rendez-vous et la logistique. Le petit truc fatiguant c'est de se répéter à chacune interview, mais c'est le jeu (sourire).

Depuis votre arrivée, qu'est-ce qui vous a marquée ?

Déjà, j'ai l'impression de voir la vie différemment. Je prends du recul sur les priorités de la vie. Qu'est-ce qui est important ? Notre famille ? Notre métier ? Pendant le Vendée Globe, mes proches m'ont énormément manqué, et je veux vraiment mettre mes proches au centre de mes priorités. Je dédramatise aussi beaucoup de choses comme les petits problèmes qu'on a parfois au quotidien.

"Et puis, forcément ce qui a changé, ce sont les personnes qui me reconnaissent dans la rue. C'est encore nouveau et ça fait toujours bizarre."

Violette Dorange, skippeuse, 25e du Vendée Globe 2024-2025

à franceinfo: sport

Pendant votre aventure, vous avez fédéré une grande communauté autour de vous sur les réseaux sociaux. Vous êtes même passée de 100 000 abonnés avant le départ à plus de 500 000 à l'arrivée. Avez-vous été surprise par cet engouement ?

Je ne m'attendais pas à autant. Je savais que le compte gagnait en notoriété mais pas à ce point-là. C'est fou ! Mon équipe a tout géré depuis la terre, ils s'en rendaient compte, alors que pour moi, ça a été une grande surprise à l'arrivée. J'ai mis du temps à vraiment réaliser, et il y a encore des fois où je suis impressionnée. 

Est-ce que parfois, vous vous dites que c'est trop, que tout cela est difficile à digérer en si peu de temps ? 

Non, je suis plutôt contente de tout ça. La seule chose maintenant, c'est de se dire comment je vais faire pour continuer ? À présent, quand je mets une story sur Instagram par exemple, je me rends compte qu'elle va être vue par beaucoup de monde (rire). 

Je me demande donc si je dois mettre ça ou plutôt ça, si mon post va les intéresser car je ne suis plus en mer. Maintenant que je suis à terre, je dois reprendre la main mes réseaux sociaux, et je ressens une petite pression en plus.

Violette Dorange lors d'un entraînement de préparation pour le Vendée Globe, sur son Imoca DeVenir, le 14 septembre 2024 à Lorient. (JOSSELIN DIDOU / ALEA)
Violette Dorange lors d'un entraînement de préparation pour le Vendée Globe, sur son Imoca DeVenir, le 14 septembre 2024 à Lorient. (JOSSELIN DIDOU / ALEA)

En quoi était-ce important pour vous de montrer votre quotidien en mer ?

Déjà, l'organisation nous demandait d'envoyer des vidéos et des photos chaque semaine. Mais moi, j'ai toujours fait ça depuis que j'ai commencé la voile. J'ai toujours fait des petites vidéos sur YouTube où je faisais mon montage. Je suis un enfant de Youtube, je regarde beaucoup Léna Situations depuis ses débuts par exemple et je me suis un peu inspirée de ça. Petit à petit, je l'ai adapté à ce que je faisais en voile et je pense que c'est peut-être pour ça que cela a bien marché.

Votre sincérité est peut-être aussi l'une des raisons de ce succès...

Je ne me cache pas. Quand j’éprouve une émotion, quand j'ai peur ou que je suis heureuse, je l'exprime et je pense que c'est aussi ça qui intéresse les gens, car tout le monde peut vivre ce genre de situation à terre.

"Souvent quand je rentre à terre, ce qui me rend la plus heureuse est de terminer le montage de ma vidéo Youtube, après m'être enfermée des heures, sans trop dormir."

Violette Dorange, skippeuse

à franceinfo: sport

Quand je le montre à ma famille, c'est vraiment le moment où je suis la plus heureuse, la plus fière parce que je peux enfin leur montrer ce que j'ai vraiment vécu. 

On pourra donc suivre vos prochains projets de la même manière ?

Je vais essayer de continuer à fond oui. Et puis, j'ai gardé plein d'images du Vendée Globe, que je n'ai pas publiées et l'idée est de faire une petite suite. 

Vous avez marqué l'histoire de la course de votre empreinte, en étant la plus jeune navigatrice à terminer le Vendée Globe. Est-ce que vous mesurez l'exploit accompli, ou est-ce trop tôt ?

C'est encore trop tôt. La digestion de tout cela va prendre du temps. Dans ma tête, je ne me dis pas tous les jours que j'ai 23 ans, je n'y pense pas en fait. Je pense que je vais m'en rendre compte dans quelques années. Le prochain projet va démarrer [avec Samantha Davies sur la Transat Café L'Or], il va falloir que je fasse une nouvelle fois mes preuves parce que j'arrive sur un nouveau bateau, et à foil.

"Avec ce projet, je vais rentrer dans la compétition pure et dure, alors je ne veux pas me retourné maintenant sur ce que j'ai déjà fait."

Violette Dorange, plus jeune skippeuse à avoir terminer le Vendée Globe

à franceinfo: sport

Ce projet s'enchaîne très vite après la fin de l'énorme projet Vendée Globe.

Je veux toujours que les choses s'enchaînent. J'ai toujours été hyper rapide dans mes projets et je pense que j'aime bien quand ça bouge (sourire). J'ai parlé avec d'autres skippers du Vendée Globe qui ne repartiront pas en mer avant plusieurs mois, et ils ont un coup de blues. Alors que moi, je me dis que dans trois mois, je suis de retour en mer.

A bord de son Imoca DeVenir, Violette Dorange a bouclé son premier Vendée Globe en 90 jours. Ici à l'entraînement, au large de Lorient, le 14 septembre 2024. (JOSSELIN DIDOU / ALEA)
A bord de son Imoca DeVenir, Violette Dorange a bouclé son premier Vendée Globe en 90 jours. Ici à l'entraînement, au large de Lorient, le 14 septembre 2024. (JOSSELIN DIDOU / ALEA)

 

Naviguer sur un bateau a foil, est une étape supplémentaire dans votre carrière. En quoi est-ce différent ? 

Pour être compétitif, il faut être sur des bateaux à foil [élément ressemblant à une aile, fixé sous la coque et qui soulève le bateau]. C'est passionnant parce qu'il y a beaucoup plus de technologies au niveau des foils mais aussi plus d'analyses. On rentre beaucoup plus dans le détail et dans la spécialisation. 

"Mais je suis heureuse d'avoir fait mon Vendée Globe sur un bateau à dérive avant parce que j'ai été en contact avec la mer pendant toute la course. Et ça, on ne l'a que sur les bateaux à dérive."

Violette Dorange, skippeuse de DeVenir sur le Vendée Globe

à franceinfo: sport

Sur mon bateau, j'avais une casquette ouverte à l'arrière où je voyais tout le temps l'océan. Tous les jours, j'avais des albatros qui me suivaient. Sur les bateaux à foils, Clarisse Crémer me racontait qu'elle était obligée de ralentir pendant une minute pour sortir et profiter un tout petit peu et repartir. Je suis contente d'avoir vécu ça et en plus je l'ai vécu vraiment pleinement. Donc l'expérience sera différente. Il y aura un peu moins le côté aventure et nature car il y aura la compétition et la volonté d'aller chercher beaucoup plus loin.

Avez-vous hâte que l'attention médiatique redescende un peu afin que vous puissiez vous plonger complément sur votre prochain projet ?

Oui, j'ai hâte. Hier, j'ai visionné des images que j'avais prises pendant le Vendée Globe et j'ai trop hâte d'y retourner en 2028. Je regardais aussi des images de tempête, et même si c'était dur, c'est addictif aussi de se retrouver ainsi, seule au milieu de nulle part et de s'en sortir (sourire).

Qu'est-ce que vous retiendrez de ce Vendée Globe ?

Cela m'a donné un peu plus confiance en moi, ce qui n'était pas le cas avant. Là, je me dis que j'ai quand même fait un tour du monde ! Je sais que j'aime voyager sur mon bateau, de faire le tour du monde. Cela a toujours été mon rêve et je suis heureuse de l'avoir accompli.

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