: Reportage "Le social est en train de se casser la gueule" : l'inquiétude des manifestants lors du rassemblement du 1er-Mai à Paris
Entre 32 000 et 100 000 manifestants ont participé au cortège entre la place d'Italie et Nation. Malgré l'absence d'une large unité syndicale, la mobilisation dans la capitale a quasiment doublé par rapport à 2024.
"On est là pour défendre nos droits, alors que les inégalités n'ont jamais été aussi criantes." Octave, jeune intermittent du spectacle, est venu battre le pavé parisien jeudi 1er mai, sous un grand soleil et dans une chaleur plombante. Entre 32 000 manifestants, selon le ministère de l'Intérieur, et 100 000 d'après la CGT, ont défilé jeudi entre la place d'Italie et celle de la Nation pour la journée internationale des travailleurs, lors d'une manifestation marquée par des incidents autour du stand du Parti socialiste. C'est mieux qu'en 2024 (entre 18 000 personnes, selon les autorités, et 50 000 d'après les syndicats).
A l'image de l'an passé, les délégations se sont mobilisées autour de mots d'ordre variés : pour des augmentations de salaires et l'abrogation de la réforme des retraites, contre les coupes budgétaires, mais aussi "pour la paix". Dans la foule, certains brandissent des pancartes "contre la trumpisation du monde". On y trouve aussi des drapeaux palestiniens et quelques dizaines de "gilets jaunes". Le groupe entend "défendre le bien-être des travailleurs", lutter contre l'"écrasement de taxe et d'impôts" et dénonce "l'incompétence des dirigeants politiques", expose pêle-mêle Camille, l'un des membres venu de Vendée.
Certains soulignent aussi la désunion syndicale. "C'est dommage qu'on ne soit pas tous là, ça manque énormément", déplore Corinne, élue CGT de 59 ans. Les quelque 230 rassemblements à travers la France se sont tenus à l'appel de la CGT, de la FSU et de Solidaires. Comme à Paris, Force ouvrière, s'est joint localement à certains cortèges. Les leaders de la CFDT et l'Unsa ont eux préféré se retrouver dans la matinée pour une table ronde sur le travail.
"Nous continuerons la bataille pour les 8 heures de travail par jour, les 35 heures et nous continuerons à nous battre pour la retraite à 60 ans", a martelé de son côté le leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, en début de manifestation. Dans le cortège, les préoccupations sociales et économiques sont sur toutes les lèvres, mais avec des revendications plus concrètes. Isabelle, accompagnatrice d'élèves en situation de handicap (AESH) à temps partiel, s'inquiète de la dégradation de ses conditions de travail et de sa faible rémunération. "Avec 1 096 euros par mois, mon salaire couvre à peine les factures", raconte cette "maman solo", qui défile avec sa fille de 23 ans, Celia. "Hier, on a été faire les courses, on en a eu pour 250 euros", souffle cette Francilienne contrainte de "tout calculer".
"La vie est devenue chère, les primes sont au ras des pâquerettes dans la fonction publique, et les revalorisations du point d'indice ont été minimes ces dernières années", déplore un peu plus loin Martine. A 63 ans, cette fonctionnaire d'Etat est directement concernée par le recul de l'âge de départ à la retraite. "On a l'impression qu'on est sortis du mouvement de mobilisation contre la réforme et on ne sait pas trop ce qui se passe au sein du conclave", observe-t-elle. La concertation des partenaires sociaux, voulue par le Premier ministre pour trouver des voies d'aménagement de la réforme, patine depuis que trois organisations (la CGT, FO et l'U2P) ont claqué la porte des discussions. "Le gouvernement ne nous parle que de la dette, de réarmement, il prépare les esprits à ce que rien ne change sur les retraites", juge Martine avec une pointe de résignation.
"On détricote tous les acquis sociaux"
"La concertation de François Bayrou sur les retraites, c'est du flan", fustige quant à elle Lauren, 44 ans, qui milite pour un retour a minima à la retraite à 62 ans, voire à 60 ans. "On détricote tous les acquis sociaux : on nous dit qu'il faudrait travailler le 1er mai, on parle de supprimer des jours fériés", énumère cette cadre dans la comptabilité, sympathisante de La France insoumise, qui s'alarme également du "délitement des services publics" et de la "précarité grandissante". Un constat qui la rend "inquiète" pour le futur de ses deux enfants, âgés de 19 ans et 15 ans.
Nombreux sont aussi ceux qui partagent leurs "incertitudes" quant aux menaces sur l'emploi, incarnées par les 600 suppressions de postes prévues chez le géant de l'acier ArcelorMittal. "On ne peut pas tolérer ça, le social est en train de se casser la gueule", tempête Michel, retraité de 70 ans. Un point de vue partagé par Lamia, responsable de rayons chez Monoprix et élue syndicale, qui arpente les trottoirs parisiens, avec Chemsy, son fils de 17 ans.
"Personne n'est à l'abri d'un plan de licenciements. On ne sait pas que ce que l’avenir nous réserve."
Lamia, manifestanteà franceinfo
Mais la cinquantenaire s'est d'abord mobilisée pour alerter sur "la montée de la haine contre les musulmans" en France. "J'ai l'impression que mon enfant n'est plus en sécurité", témoigne la mère de famille, qui a assisté plus tôt dans la journée à un hommage à Aboubakar Cissé, assassiné vendredi dans une mosquée de La Grand-Combe (Gard). "En tant que musulman, on voit la haine, on a peur d'être jugé", abonde son fils. "Pourtant, on doit vivre ensemble, la solidarité doit être le maître mot", ajoute Lamia, qui se dit déçue par un gouvernement qui "a perdu l'humain".
Michel, lui, "n'attend plus rien" de François Bayrou, nommé il y a seulement moins de cinq mois. "On n'espère rien de ce gouvernement, si ce n'est qu'il parte, par dissolution ou par démission", renchérit Lauren. Tous souhaitent que leur mobilisation permette de maintenir la pression sur l'exécutif. "Même si les manifestations contre les retraites n'ont pas abouti, qu'il y a quelque chose de décourageant, le rassemblement du 1er-Mai reste un moment important de l'année pour montrer que le peuple est uni", veut croire Gabriel, 28 ans.
Les manifestants auront de nouveau l'occasion de sortir dans la rue le 5 juin pour une journée d'action contre la réforme des retraites, à l'appel de la CGT.
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