Cessez-le-feu à Gaza : "La paix rentre dans une nouvelle phase", considère Thierry Breton, ancien commissaire européen au marché intérieur

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Article rédigé par franceinfo - Édité par l'agence 6Medias
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Le Hamas a tenu son engagement de libérer les otages israéliens qui ont été pris en charge par la Croix-Rouge ce lundi 13 octobre. En parallèle, le nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu, dévoilé la veille au soir, soulève des interrogations. L'ancien commissaire européen et ancien ministre de l'Économie, Thierry Breton, était l'invité politique de franceinfo pour livrer son point de vue sur ces deux actualités.

Une actualité bien chargée ce lundi 13 octobre 2025. Dans la matinée, la libération des otages israéliens a commencé alors que celle de sept d'entre eux a déjà été rapportée du côté d'Israël. Le nouveau gouvernement du Premier ministre Sébastien Lecornu a également été dévoilé la veille au soir, avec notamment pour objectif de pouvoir présenter une proposition de budget le plus rapidement possible. Thierry Breton, ancien commissaire européen et ancien ministre de l'Économie, était l'invité politique d'Alix Bouilhaguet sur franceinfo pour aborder ces thématiques.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Alix Bouilhaguet : On va largement revenir sur cette séquence politique qui se joue en ce moment. Mais d'abord, le Hamas, est en train de remettre progressivement les 48 otages israéliens à Israël. On sait qu'en parallèle, Israël doit aussi relâcher prochainement 250 prisonniers palestiniens condamnés à perpétuité. Cette libération des otages, est-ce que c'est la victoire de Donald Trump et de son plan de paix scellé entre Israël et le Hamas ?

Thierry Breton : C'est un immense moment, il faut vraiment le dire ce matin. On l'attendait tous, et bien entendu les familles des otages avant tout le monde et tous les Israéliens. C'est un moment d'émotion, c'est un moment historique, et c'est vrai, il faut le dire que c'est grâce à Donald Trump qui a fait pression sur Benyamin Nétanyahou pour que finalement ceci ait lieu ce matin.

Où se situe la France ? On sait qu'aujourd'hui Emmanuel Macron est en Égypte pour soutenir ce plan de paix. On a eu l'impression que sur ce plan de paix, la France n'était pas vraiment dans le jeu, qu'elle n'a pas vraiment pesé. Est-ce qu'on a encore une influence au Proche-Orient ?

On l'a dit, il y a un homme qui pouvait vraiment convaincre Benyamin Nétanyahou, c'était Donald Trump. On ferme maintenant une séquence qui a été extrêmement douloureuse, mais s'en ouvre une autre. Aujourd'hui, c'est évidemment la libération des otages, et puis c'est un cessez-le-feu. Ce n'est évidemment pas encore la paix ; la paix, maintenant, rentre dans une nouvelle phase, dans une nouvelle période.

Elle va se dérouler, du reste, tout à l'heure à Charm el-Cheikh. Je rappelle que ni Israël ni le Hamas ne vont y participer. On rentre dans une nouvelle phase qui va être difficile. Dans cette nouvelle phase, il va y avoir des actions diplomatiques. L'Europe va devoir jouer son rôle mais pas que cela, bien entendu, et c'est la raison pour laquelle beaucoup d'Européens aujourd'hui sont à Charm el-Cheikh.

On sait qu'Emmanuel Macron veut apporter sa pierre notamment en participant à une force de stabilisation à Gaza, mais on a quand même le sentiment que ni les États-Unis ni Israël ne semblent décidés à lui laisser jouer un rôle substantiel. Est-ce qu'on peut néanmoins réussir à s'imposer ?

La France a une voix qui porte, c'est une évidence, on l'a vu à l'ONU. Est-ce que cette voix suffit ? Non, cette voix est une voix parmi d'autres. Elle est, me semble-t-il, peut-être un peu plus importante que certaines, mais la France doit précisément exercer sa puissance, sa parole diplomatique et ensuite ses actions sur le terrain, pas seule mais avec d'autres.

Avec les Européens, nous avons été, il faut le reconnaître, un peu divisés en Europe sur la façon d'envisager cette nouvelle phase dans laquelle nous entrons. Je me réjouis d'une chose, c'est que nous avons beaucoup d'Européens qui sont dirigés aujourd'hui par António Costa, notre président du Conseil européen, et qui vont être présents à Charm el-Cheikh, ce qui est important. Aucun pays européen seul ne pourra jouer un rôle, mais en revanche, l'Europe est attendue.

Des négociations qui s'annoncent compliquées

Est-ce que c'est un bon traité de paix ? Parce que quand on rentre dans le détail, est-ce que c'est surtout un traité réaliste ? Notamment, je pense au volet de la démilitarisation du Hamas qui serait supervisé par des observateurs indépendants. On sent que le Hamas n'est pas emballé par cette perspective. Est-ce que c'est crédible ?

Vous avez raison, c'est vraiment toute la question maintenant qui va se poser. D'abord, on doit vraiment encore une fois célébrer ce moment aujourd'hui qui ferme quand même une période ; rien n'était possible tant que les otages n'étaient pas libérés, et les corps également rendus. On rentre dans une période qui va être un peu difficile, y compris pour Benyamin Nétanyahou. Il va y avoir ces négociations qui vont être compliquées parce qu'un traité de paix, c'est extrêmement compliqué. Il va y avoir aussi des comptes qui vont être demandés, et le Premier ministre israélien le sait, on va lui demander des comptes.

On va s'interroger aussi pourquoi finalement a-t-on attendu deux ans, pourquoi n'a-t-on pas exercé plus tôt cette pression que l'on voit aujourd'hui, dont on voit le succès ? Pourquoi est-ce qu'on a attendu tant de mois ? Ces questions vont venir progressivement au moment où on va discuter des éléments d'une paix potentielle. Le chemin est escarpé, on le sait, mais ça devait passer par cette journée d'aujourd'hui.

Le plan prévoit qu'à terme, Gaza soit administrée par un comité neutre, sans rôle pour le Hamas. Là encore, est-ce que c'est acceptable ? Est-ce que ça ne peut pas capoter aussi là-dessus ?

Ça va être très difficile. Il va y avoir évidemment différents acteurs. Le Qatar et la Turquie ont joué un rôle important, et l'Arabie saoudite va évidemment s'impliquer. Donc tous ces acteurs vont avoir un rôle à jouer et tout va dépendre du rôle qu'ils vont bien vouloir jouer. Il n'est pas encore clairement défini, peut-être même incertain pour certains. Mais encore une fois, on ne pouvait pas engager, y compris avoir la discussion que nous avons ce matin, avec tous les aléas qu'elle comporte, sans passer par cette phase.

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